2006-07-26

Clichés ! Qui c'est ?

Arrêté à un feu, un peu écrasé par la chaleur, mon regard s’arrête sur mon voisin de file. Je vois son profil, son bras à la fenêtre et pas grand chose d’autre, mais mon imagination lui a déjà tissé un petit monde, le sien, celui dans lequel il vit.

Le gars est rasta, et pour cause, il a le bonnet de laine noir avec le bandeau rouge-jaune-vert. Je trouve ça « bien cool » de croiser ce visage à quelques blocks de chez nous (ça y est, je suis à Brooklyn !). Aaah Romainville … ça fait du bien … et puis ça change du XV° où là-bas, 99% des blacks sont des nounous à bébés ou mémés !
Vert ! On avance. Je me rapproche du gadjo. Nos regards vont peut-être se croiser. Quelques mètres et là BING ! C’est l’embrouille totale : il conduit une BMW série 7 flambant neuve et – comble du comble – il écoute de la TECHNO ! Rhââ ! Tout va mal. Et moi qui croyait qu’il sortait du local de répèt d’à côté – que je n’allais pas tarder à découvrir d’ailleurs – au volant de son Ami 8, stickée aux couleurs du roi des rois, la feuille de Cannabis barrant la fenêtre arrière. Décidément, tout se perd ma ptite dame.
C’est comme ces rappeurs new-yorkais qui s’avèrent être des anges, les caïds du quartier qui sucent des glaces autour du Gelato Bus, le pote punk qui fait la popotte pendant que sa femme regarde le foot (;-), le bourgeois coincé dans son costume 3 pièces qui s’envoie Skunk Anansie dans les oreilles, la femme voilée qui me vend ma baguette, le musulman en short, devant le prisu ? naaan ! devant chez ED ! …
Et si mon rasta avait fait fortune avec son label de reggae, obligé aujourd’hui de se fader les maquettes de guignolos qui regardent même pas à qui ils s’adressent …Faut que je le retrouve, bordel !

nicO

2006-07-25

The Brooklyn Funk Essential met le feu à La Maroquinerie


C'est en file indienne, le poing levé que les membres du nouveau BFE Sound System entrent en scène et déjà on sent bien qu'une bonne dose d'énergie va nous être distillée.
Lati Kronlund et Hanifah Walidah prennent en main les structures rythmiques aux machines, Philippe Monrose les ponctue aux percus alors que Iwan Van Hetten au clavier & trompette et Desmond Foster à la guitare finissent de colorer les grooves qui portent les mélodies et les mots des poètes-chanteurs Everton Sylvester, Papa Dee et Hanifah Walidah (cf son dernier opus aux côtés de Earl Blaize : ADIDI).
Véritable laboratoire live du groove suprême (!), le band récemment reformé (BFE est devenu une référence de l’Acid Jazz et du Funk dans les 90's en promenant son groove puissant au sein des tournées de Funkadelic, James Brown, The Roots ou Jamiroquai) par Lati Kronlund (par ailleurs bassiste et arrangeur de Isaac Hayes, Roy Ayers, Al Green et réalisateur d'un album de Khaled) donne vie à de nouveaux titres en passant sur nos scènes européennes, avant de saisir la nouvelle substance en studio. On prend donc le temps de s'installer dans la pulsation et on amménage les transitions pour emmener le public par la main, la tête et les pieds ! Et lorsque le paysage est planté, c'est au "mic" que ça vibre avec :
- Papa Dee, pètant de classe (et de chaud), le chapeau ska de travers et le costard cintré, dans la tradition funk des grands orchestres, où la maîtrise s'allie à la démesure ;
- Everton Sylvester faisant rouler ses mots calmement mais fermement et nous adressant ses pensées, ses émotions, ses indignations. On voudrait tout comprendre ...
- Et Hanifah, enfin, qui électrise le public de sa présence. La scène, pour elle, c'est aussi les planches, la comédie : elle capte l'attention par ses expressions et nous fait vivre les personnages de ses histoires. Alors on la suit, on se laisse bercer par sa voix sensuelle, on manque de vaciller (surtout les filles ;-) et un riddim ravageur nous propulse soudain les bras en l'air, on saute, on crie, c'est la fête !

nicO

(concert du 24 juillet 2005)

Mayotte entre deux mondes

Mayotte, « collectivité départementale » française, accentue depuis quelques mois la pression sur les immigrés, venus principalement d’Anjouan, l’une des trois îles de la République des Comores, un des pays les plus pauvres d’Afrique. Se multiplient les rafles et les reconduites immédiates à la frontière, c’est-à-dire sur les boutres à destination de Moutsamoudou, la capitale d’Anjouan. Gendarmerie et police des frontières appliquent une politique de plus en plus intransigeante. Qui s’embarrasse peu des garanties consenties à tout expulsé : le droit à un coup de téléphone et à un avocat. Qui tient peu compte de la situation spécifique de chaque étranger. Comme s’il fallait battre des records au pays de tous les records : passer de près de 10 000 expulsions par an à 12 000. Mayotte détient depuis longtemps, devant la Guyane, le record des reconduites à la frontière. Et fait probablement jeu égal avec ce département quant au nombre de clandestins ou d’irréguliers (probablement 20 % à 30 % de la population).

Française ou comorienne, Mayotte ? Trois dates clés illustrent les 30 dernières années de son histoire. Quand l’archipel proclame son indépendance, en 1974, Mayotte demeure française. Vingt ans plus tard, le visa devient indispensable à tout Comorien se rendant à Mayotte, entravant les liens culturels et commerciaux qui unissent les deux îles. Mayotte, dans le même temps, avance à marche forcée vers les standards sanitaires, scolaires et sociaux de la métropole. En 2001, un référendum y annonce la transformation du territoire, sous dix ans, en département d’outre-mer. Le cinquième.

Mayotte devient, entre la partie septentrionale de Madagascar et les trois îles comoriennes, une oasis de richesse et de stabilité, au nord du canal de Mozambique. Même si l’île importe quarante fois plus qu’elle n’exporte, si son budget lui vient en quasi-totalité de France, si cette manne assure une prospérité artificielle, elle devient pour les populations alentour un véritable eldorado, un aimant dans une zone en plein désarroi politique et économique depuis les années 1990. La conjonction de l’immigration clandestine et d’un taux de natalité très africain fait passer la population de 42 000 habitants en 1975 à 160 000 en 2002 !

A côté, la République des Comores a longtemps été un Etat de coups d’Etat. De corruption et de violence. Et un pays surpeuplé, à la merci des cours erratiques de matières premières comme les huiles essentielles et les clous de girofle. Anjouan a même proclamé en 1997 son indépendance et voté son rattachement à la France. La partie méridionale d’Anjouan, le Nioumakélé, abrite des densités qui frisent les 600 habitants par kilomètre carré et un extrême dénuement. Un seul exutoire à la misère : l’émigration. Visa ou pas, la sortie, c’est l’exode vers Mayotte, distante de 80 km et visible par temps clair de la corniche de Domoni. Des agences (un des rares secteurs lucratifs de l’île) vous transportent en kwassa-kwassa, des canots à fond plat qui vous amènent aux abords de Mayotte. A vos risques et périls : une centaine de noyades par an. « Aller au paradis sans mourir avant d’arriver ! », dit un adage local.

Comme à Melilla, à Lampedusa, aux Canaries ou dans le détroit de Gibraltar, la vague africaine vers l’Europe (ou ses excroissances) ne se tarit pas. Ici, gardes-côtes, radars, rafles dans les quartiers pauvres ou chez les revendeurs à la sauvette, expulsions : rien ne décourage les rapatriés de recommencer, dès qu’ils ont rassemblé la somme nécessaire, plus modeste que pour les émigrés transsahariens. Même si l’attitude de la population mahoraise est pour le moins ambiguë : sus aux étrangers, crient les élus. Condamnée dans les discours (les Anjouanais profitent des infrastructures sociales dont leur pays est dépourvu), l’immigration est tellement pratique au quotidien : domesticité corvéable à merci, manutentionnaires et maçons si bon marché !

« Nos Départements d’Outre-Mer doivent s’intégrer à leur environnement géographique », répètent les officiels français. Le tout répressif tourne le dos à cette antienne. Faute de co-développement, de coopération avec les voisins, c’est « l’environnement géographique » qui s’impose à Mayotte. Avec frénésie. La répression est brutale. Une stratégie du bunker qui préserve à peine le court terme. Et développe autant les atteintes aux droits humains que les injustices ou les aberrations économiques.

Christophe Wargny
Le Monde Diplomatique
mercredi 19 juillet 2006

Les cinéastes en soutien aux libanais

Le dernier chapitre du conflit entre Israël et la Palestine a commencé quand les forces israéliennes ont enlevé deux civils, un docteur et son frère, de Gaza. Un incident à peine relaté, sauf par la presse turque. Le lendemain, les Palestiniens ont fait prisonnier un soldat israélien - et proposé un échange négocié contre des prisonniers en Israël - il y en a approximativement 10 000 dans les geôles israéliennes.
Que ce "kidnapping" soit considéré comme un outrage, tandis que l'occupation militaire illégale de la rive ouest et l'appropriation systématique de ses ressources naturelles - en particulier l'eau - par les forces de défense israélienne (!) sont considérées comme un regrettable, bien que réaliste, fait divers, est typique du double discours régulièrement servi depuis 70 ans par l'Occident aux Palestiniens, sur la terre qui leur a été allouée par des accords internationaux. Aujourd'hui l'outrage suit l'outrage ; des missiles artisanaux en croisent des sophistiqués. Ces derniers atteignent habituellement leur cible là où vivent entassés les déshérités, attendant ce qu'on a coutume d'appeler la Justice. Les deux catégories de missiles déchiquètent les corps dans l'horreur - qui d'autres que les officiers sur le terrain peuvent l'oublier un seul instant ?
Chaque provocation et contre-provocation est contestée et prônée. Mais tous les arguments, accusations et vœux qui s'en suivent, ne servent qu'à distraire et détourner l'attention du monde d'une longue pratique militaire, économique et géographique à long terme dont le but politique n'est rien d'autre que la liquidation de la nation palestinienne.
Ceci doit être dit haut et fort parce que cette pratique, seulement à moitié avouée et souvent secrète, avance rapidement ces jours-ci, et, à notre avis, doit être reconnue, sans délai et pour toujours, pour ce qu'elle est et dénoncée.

John Berger, Noam Chomsky, Harold Pinter, José Saramago

PÉTITION POUR LE LIBAN DES CINÉASTES LIBANAIS

Le Liban brûle.
Depuis une semaine, Israël bombarde le Liban, Jusqu'à présent, le bilan est de plus de 300 morts et d'un millier de blessés. 500 000 personnes ont quitté leurs maisons et sont devenues des réfugiés. Et le peuple libanais est pris en otage sur son sol, en violation de toutes les conventions internationales. Parallèlement Israël procède à la destruction de toutes les infrastructures (routes, ponts, centrales électriques, aéroports et ports civils...) et institutions de la République Libanaise (armée, défense civile, croix rouge...).
À l'heure où certains clament que toute nation a le droit de se défendre, le Liban, même à genoux, refuse cet engrenage irresponsable. L'armée libanaise, continuellement bombardée, a reçu comme consigne de ne pas répliquer. Face à ce message de Paix, Israël poursuit pourtant ses attaques.
Face à une situation humanitaire catastrophique, nous cinéastes, intellectuels, artistes libanais demandons l'arrêt de la violence et exigeons un cessez le feu immédiat.
Nous lançons un appel à la communauté internationale et particulièrement au peuple français, à ses cinéastes, à ses intellectuels, à ses artistes, afin de faire pression sur ses représentants politiques et exiger le respect des résolutions des Nations Unies sans exception et surtout le respect des droits de l'homme.
C'est un cri, un appel pour la défense de la République et de la Nation Libanaise, message et symbole de pluralité et diversité. Votre mobilisation, votre signature, comptent.
Envoyez vos signatures à : info@neabeyrouth.org / danielle@neabeyrouth.org

MESSAGE DE SOLIDARITÉ AUX CINÉASTES PALESTINIENS ET LIBANAIS

Nous, cinéastes israéliens, saluons tous les cinéastes arabes réunis à Paris pour la Biennale du cinéma arabe. À travers vous, nous voulons envoyer un message d'amitié et de solidarité à nos collègues libanais et palestiniens qui sont actuellement assiégés et bombardés par l'armée de notre pays.
Nous nous opposons catégoriquement à la brutalité et à la cruauté de la politique israélienne, qui a atteint de nouveaux sommets au cours des dernières semaines. Rien ne peut justifier la poursuite de l'occupation, de l'enfermement et de la répression en Palestine. Rien ne peut justifier le bombardement de populations civiles et la destruction d'infrastuctures au Liban et dans la bande de Gaza.
Permettez nous de vous dire que vos films, que nous nous efforçons de voir et de faire circuler autour de nous, sont très importants à nos yeux. Ils nous aident à vous connaître et à vous comprendre. Grâce à ces films, les hommes, les femmes et les enfants qui souffrent à Gaza, à Beyrouth, et partout où notre armée déploie sa violence, ont pour nous des noms et des visages. Nous voulons vous en remercier, et vous encourager à continuer de filmer, malgré toutes les difficultés.
Quant à nous, nous nous engageons à continuer d'exprimer, par nos films, par nos prises de paroles et par nos actions personnelles, notre refus de l'occupation et notre désir de liberté, de justice et d'égalité pour tous les peuples de la région.

Nurith Aviv, Ilil Alexander, Adi Arbel, Yael Bartana, Philippe Bellaïche, Simone Bitton, Michale Boganim, Amit Breuer, Shaï- Carmeli-Pollack, Sami S. Chetrit, Danae Elon, Anat Even, Jack Faber, Avner Fainguelernt, Ari Folman, Gali Gold, BZ Goldberg, Sharon Hamou, Amir Harel, Avraham Heffner, Rachel Leah Jones, Dalia Karpel, Avi Kleinberger, Elonor Kowarsky, Edna Kowarsky, Philippa Kowarski, Ram Loevi, Avi Mograbi, Jad Neeman, David Ofek, Iris Rubin, Abraham Segal, Nurith Shareth, Yael Shavit, Julie Shlez, Eyal Sivan, Eran Torbiner, Osnat Trabelsi, Daniel Waxman, Keren Yedaya.
contact : Simone Bitton : simoneb@noos.fr / Avi Mograbi: mograbi@netvision.net.il

PÉTITIONS A SIGNER :
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